Chez Uber, Deliveroo et consorts, « l’indépendance » des travailleurs est un statut souvent dévoyé


Un livreur de la société Deliveroo, à Paris, le 20 avril 2022.

« S’ils ont créé des emplois en France, je suis hyperfier de cela. » La réaction d’Emmanuel Macron aux révélations des « Uber Files » sur les mauvaises pratiques de Uber, en juillet 2022, est emblématique du débat sur les nouvelles plates-formes de main-d’œuvre, largement focalisé sur leur supposée contribution à l’économie.

Des emplois, oui, mais quels emplois ? Pour quelle rémunération ? Dans quelles conditions ? Une décennie après l’irruption d’Uber et des plates-formes similaires, ces questions sont au cœur du rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur « l’ubérisation, son lobbying et ses conséquences » publié mardi 18 juillet. Ces travaux interrogent en particulier le refus de la plupart des plates-formes de salarier leurs travailleurs, au profit d’un statut d’indépendant, plus précaire. Si la requalification massive de ces prestataires en employés en contrat de travail à durée indéterminée (CDI) en France ne semble pas être au programme pour l’heure, il ressort des auditions de la commission d’enquête que le statut d’« indépendant » a été largement dévoyé par ces nouveaux acteurs économiques.

Devant les députés, tous les dirigeants des plates-formes concernées – Deliveroo, Getir, StaffMe, Stuart, Uber – se sont efforcés de convaincre de la pertinence du statut d’indépendant au regard de leur activité. « Chaque livreur partenaire peut, à chaque instant, choisir ses courses et sa plate-forme », a ainsi assuré Melvina Sarfati El Grably, directrice générale du livreur de repas Deliveroo France. Présenter les chauffeurs « comme étant des personnes soumises à un lien de subordination ne reflète pas la réalité du terrain », a renchéri Dara Khosrowshahi, PDG d’Uber, car « les coursiers et les chauffeurs peuvent continuer d’être leur propre patron, de disposer d’une marge de manœuvre, de souplesse [et] d’indépendance ».

Une jurisprudence claire de la Cour de cassation

Mais ces arguments, déployés depuis de nombreuses années, ont été mis à mal le 15 mars par trois magistrats de la chambre sociale de la Cour de cassation. Lors de leur audition, ils ont affirmé que plusieurs pratiques courantes des plates-formes – la désactivation d’un compte, le choix des horaires de travail, la géolocalisation, le fait d’imposer les itinéraires et des tarifs – pouvaient concourir à caractériser une relation de salariat dans le droit français et européen. Et rappelé que la Cour de cassation, juridiction suprême, avait pris plusieurs arrêts marquants en ce sens au cours des dernières années :

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